La tourbe est employée pour le séchage du malt lors de la dernière étape du maltage.
Qu’est-ce que la Tourbe?
La tourbe est un élément naturel que l’ont peut récolter dans les tourbières. Ces dernières sont de zones marécageuses où prolifèrent mousses et végétaux (Sphaignes). C’est cette masse végétale qui va mourir et former la tourbe en se décomposant et en se compactant. Ainsi, la tourbe ressemble à de la terre. Mais en y regardant de plus près, on constate que c’est en fait un enchevêtrement de végétaux en décomposition.
La récolte de la tourbe se fait en été. En effet, c’est le moment ou elle est suffisamment sèche pour en permettre le prélèvement. Historiquement, c’est aussi le moment ou le climat est trop doux pour une distillation optimale. Anciennement, c’était donc le moment idéal pour envoyer les employés de la distillerie à la quête de la tourbe nécessaire pour l’année.
Vous l’avez compris, la tourbe est une ressource naturelle formée de déchets organiques. Elle se régénère relativement lentement au rythme d’un millimètre par an. Mais aucune inquiétude, la totalité de la production sur Islay ne consomme que 2000 tonnes de tourbe par an. Ainsi, les whiskies tourbés ont encore de beaux jours devant eux. La tourbe ne viendra jamais à manquer.
En Ecosse, la tourbe a toujours été utilisée à des fins diverses. Le pays ne comptant que peu d’arbres, c’est la tourbe qui les a remplacés. Ainsi, on l’utilisait pour construire les maisons, pour fertiliser les champs, et surtout pour se chauffer. Une fois sèches, les briques de tourbe sont un remarquable combustible qui peut bruler des heures. Un seul inconvénient, elle dégage énormément de fumée. C’est justement cette fumée qui va nous intéresser pour donner du gout au whisky.
La Tourbe et le Whisky
Afin de faire sécher le malt après la germination, nous utilisons aujourd’hui des fours industriels. Mais nos ancêtres n’ont pas attendu cet outil pour produire du whisky. Ils faisaient sécher le malt dans un “kiln”. Il s’agit en fait simplement d’un plancher métallique perforé placé au dessus d’une cheminée. Le malt est étalé sur ce plancher et un feu est alimenté dans la cheminée en dessous. La fumée est ensuite évacuée par la cheminée en forme de pagode si caractéristique des distilleries.
De nos jours, seules quelques distilleries comme Kilchoman et Laphroaig disposent encore d’un kiln en état de fonctionnement. Mais ils ne produisent eux même qu’une toute petite partie du malt. L’immense majorité du malt est produit de façon industrielle dans des malteries. Pourtant la tourbe reste utilisée dans les processus industriels pour donner un gout tourbé au malt. Pour cela, on enfume les fours avec la fumée de la tourbe en début de séchage. Le malt humide est alors particulièrement réceptif aux phénols issus de la tourbe. La plus grande partie des arômes est concentrée dans l’écorce du grain. On joue sur le niveau et la durée de l’enfumage des fours pour adapter la teneur en tourbe en fonction de la commande de la distillerie. La tourbe dans le malt et dans le whisky se mesure en ppm (partie par million), une unité utilisée pour mesurer des quantités infinitésimales.
Une autre variable d’ajustement intervient plus tard dans la fabrication. Après le passage du malt dans le moulin, on le récupère concassé en trois parties distinctes: Husk (écorce), Grist (morceaux de grains), et Flour (farine). On peut alors trier ce mélange pour garder plus ou moins d’écorce. Or c’est là que sont concentrés l’essentiel des arômes de la tourbe. Ainsi, on peut choisir ici encore la quantité de tourbe souhaitée dans le whisky.
Les Whiskies tourbés
Finalement, qu’en est-il du produit fini, whisky? Eh bien, avant la période industrielle, tous les whiskies étaient tourbés, ou au moins fumés. En effet, toutes les distilleries utilisaient le kiln pour sécher le malt. Elles alimentaient les kilns principalement avec de la tourbe et parfois avec du bois, du charbon ou tout autre combustible. Avec l’avènement des fours industriels, les whiskies tourbés ont bien failli disparaitre. Mais c’était sans compter sur l’amour des connaisseurs pour ces arômes si typiques. On voit ces dernières années un engouement grandissant pour les whiskies tourbés qui reviennent sur le devant de la scène.
Bien entendu, l’Ile d’Islay à l’ouest de l’Ecosse reste la référence quand on parle de whisky tourbé. On y retrouve les plus grands noms du genre: Ardbeg, Lagavulin, Laphroaig, Caol Ila, Bunnahabhain, Bowmore, Bruichladdich, et la petite dernière: Kilchoman. Bruichladdich embouteille également sous l’appellation Port Charlotte et Octomore. On voit également apparaitre des versions tourbées chez quelques distilleries du Speyside comme Benriach ou Benromach.
L’immense majorité des whiskies sont non tourbés ou ne dépassent pas 2ppm (à peine perceptible, même pour un expert). Quand aux whiskies tourbés, la plus part sont compris entre 20 et 50ppm, comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessus. Ardbeg est le plus tourbé des whiskies courants avec ses 50ppm. Mais il existe deux “OVNIs” dans le petit monde des whiskies tourbés: le Ardbeg Supernova et l’Octomore.
Le premier est une série spéciale d’Ardbeg embouteillée à tirage limité en 2009, il affiche fièrement 100ppm, soit plus du double d’un whisky tourbé traditionnel. Fort du succès de cet embouteillage, la distillerie recommencera ce tour de force en 2010 avec une version semblable, bien-que légèrement plus complexe et plus équilibrée. Cette initiative n’a pas encore été reprise depuis.
Enfin, vient l’Octomore, seigneur des whiskies tourbés. Cet embouteillage régulier de Bruichladdich, sous cette appellation de distillerie fermée, est né de la passion d’un homme. Jim Mc Ewan a en effet signé ici avec succès la bouteille la plus tourbée du monde avec 169ppm! Ne cherchez pas d’autres arômes, la tourbe emporte tout sur son passage. Mais étonnement, on trouve une complexité dans l’arôme de la tourbe qui s’exprime ici pleinement. Une bouteille qui ravira les amateurs et fera assurément fuir ceux qui n’aiment pas la tourbe.
La prochaine étape de la fabrication du whisky consiste à produire de l’alcool avec le malt. Pour tout savoir, visitez l’étape suivante.