Private Whisky Society

Le Single Pot Still se réinvente

Le whisky, boisson que nous aimons tous tant, est bien sur protégé par un cahier des charges. Il s’agit d’une définition et d’un cadre juridiques qui dictent ce que le whisky peut et ne peut pas être. En 2014, le cahier des charges  de l’Irish Whiskey a été publié après six ans de discussions entre les membres de l’Irish Spirits Association.  L’une des définitions les plus significatives qu’il a établies était celle du whisky irlandais single pot still, qui stipulait qu’il devait être fabriqué à partir d’un mash qui contient au minimum 30 % d’orge maltée et 30 % d’orge non maltée, avec jusqu’à 5 % d’autres céréales comme l’avoine, le blé et/ou le seigle.

La législaton irlandaise sur le whisky après son évolution

L’Irish Whiskey Association a informé les médias il y a quelques années que plusieurs propositions d’amendements, touchant aux spécificités du produit, avaient été pensées durant de nombreux mois par le comité technique de l’IWA, composé d’experts de premier plan de l’industrie et en consultation avec l’ensemble des membres de l’association. La conseillère juridique Carleen Madigan, s’exprimant au nom de l’association, déclarait que ces propositions avaient été soumises au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Marine ainsi qu’au ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires agricoles. Cela fait maintenant quelques années que cette loi est entrée en vigueur. Mais revenons sur sa création, car les permiers héritiers de ce changement arrivent sur le marché.

De l’évolution dans le Pot Still

Le whisky Single Pot Still est un sujet touchy en Irlande, car il s’agit d’un style de whisky unique au pays, qui se distingue par l’utilisation d’orge non maltée. Un fait rare dans la production de whisky en dehors de l’Irlande. Il existe des preuves historiques que l’orge non maltée était utilisée avant que les lois fiscales ne la rendent attrayante, lorsque l’introduction d’une taxe sur le malt en 1785 contribua à populariser son utilisation. Elle est alors devenue une solution astucieuse pour les fabricants de whisky irlandais. Aujourd’hui, son profil aux arômes de noisette, gras et épicé si singulier est très apprécié mondialement.

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Le Single Pot Still moderne a été défini par des produits tels que Redbreast et Green Spot, même si de nouveaux venus comme Teeling ont conquis le marché récemment. Comme Irish Distillers étaient les seuls producteurs de ce style, lorsque la création d’une définition historique s’est présentée, le cahier des charges reflétait le whisky fabriqué à Midleton. Les représentants de Bushmills, Tullamore DEW, Cooley Distillery et Irish Distillers ont tous approuvé le document final, mais le paysage a considérablement changé depuis avec l’émergence d’une vingtaine de distilleries au cours de la dernière décennie. Dans la nouvelle ère, beaucoup ont trouvé cette législation restrictive et reflétant de manière inexacte l’histoire et la tradition du style.

Pour ce que ça vaut, le mérite revient à Irish Distillers d’avoir maintenu le single pot en vie sur la scène mondiale avec d’excellents whiskies comme Redbreast 12 ans. Mais la définition était le fruit d’un monopole. Certains s’exprimaient d’ailleurs ouvertement sur cette question depuis un certain temps et déclaraient que « dans toute l’histoire de l’univers, une seule distillerie a produit du whisky Single Pot Still conforme, et que c’était en effet nos amis à Midleton ». « Il (le cahier des charges) a été écrit pour s’adapter à la méthode de fabrication du whisky d’une entreprise, qui est également incompatible avec l’histoire du whisky irlandais ».

Un peu D’histoire

Divers exemples tout au long de l’histoire soutiennent cette conclusion, avec des archives de mashbills de 1800 à 1966 démontrant que bien plus de 5 % d’autres céréales (que l’orge) étaient monnaie courante dans la fabrication du Single Pot Still. Dans le Surveys of Excise Report de Samuel Moorewood, par exemple, il est indiqué que la pratique générale de la distillation en Irlande comprenait « une portion d’environ 25 à 43 % d’avoine ou de blé ». Alors qu’en 1831, un rapport du Board of Excise définissait le mashbill irlandais le plus répandu comme étant « 2/3 de malt et d’orge crue et 1/3 d’avoine ».

Healy de Clonakilty déclare que le whisky Single Pot Still commercialisé depuis le début des années 1900 ne répond désormais plus au cahier des charges initial de sa catégorie . Il conclut que « le point fondamental d’une IG européenne est de protéger les méthodes de production traditionnelles d’un artisanat et cette définition moderne ne répond certainement à aucune des méthodes traditionnelles », et ajoute que cela n’a pas seulement pour effet de nier l’histoire, mais également d’étouffer l’innovation.

Et soudain tout changea

En décembre 2020, les membres de l’IWA ont finalement convenu qu’une révision était nécessaire. La mise à jour de la législation fait l’objet d’un débat houleux au sein du whisky irlandais depuis plusieurs années, mais changer une IG n’est pas une tâche facile et l’IWA (contrairement à la Scotch Whisky Association) n’a aucun pouvoir statutaire. il est décrit comme un « groupe de pression dont 92 % du financement provient des quatre grandes multinationales ». On pourrait ajouter que cette « révision » du dossier technique n’a été possible que parce que Pernod, alias Irish Whiskey PLC, était d’accord avec le changement », et que cela n’a eu lieu que grâce au débat déclenché par des blogs, bloggeurs et activistes qui « rendaient le statu quo impossible à appliquer ».

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On attribue également le mérite à une nouvelle vague de distillateurs de whisky irlandais qui cherchent à « explorer l’histoire gustative perdue du paysage de la distillation irlandaise » et qui ont « fait pression contre cette définition restrictive qui était censée avoir été mise en place pour protéger l’industrie de l’extérieur, mais qui a plutôt été mise en place pour l’enchaîner de l’intérieur ». On pensait qu’il serait difficile de trouver quelqu’un pour défendre le fait de ne pas changer cet état de fait, et le crédit revient notamment aux distilleries nommées dans cet article et aux organisations comme l’Irish Whiskey Guild.

La règle des trois tiers

Une personne qui a contribué à faire bouger les choses plus que quiconque est Ph.D. candidate, auteur et antiquaire Fionnán O’Connor. Ses recherches sur les mashbills historiques du whisky irlandais à travers les archives fiscales, de distillerie et industrielles ont révélé l’histoire complexe de la production de whisky irlandais datant de la fin du 18e siècle jusqu’à la première moitié du 20e. Son travail détaille une riche diversité de mashbills, et la règle 30/30/30 (30% orge, 30% avoine, 30% blé) est celle qu’il a lui-même proposée en partant du principe qu’elle engloberait presque toutes les recettes préparées entre 1855 et 1968, ainsi que la prise en compte de la teneur élevée en avoine et en blé. Chose passionnante, il a travaillé avec Boann pour ressusciter certaines de ces recettes.

La législaton irlandaise sur le whisky après son évolution

La conclusion de tous ces travaux a fait qu’il est désormais reconnu à l’échelle de la catégorie que l’expansion du choix et de la quantité de céréales “autres” refléterait plus précisément les mashbills irlandais traditionnels, déclarant qu’« il est évident que la limite actuelle de 5 % ne reflète pas fidèlement l’histoire industrielle de la production de Single pot Still ».

De nouvelles pistes pour le futur

Naturellement, un amendement comme celui-ci entraînera la création de whiskies entièrement nouveaux et la résurrection de recettes que nous n’avons pas vues depuis longtemps. Les nouvelles saveurs ne seront pas seulement induites par l’augmentation de la proportion des autres céréales, mais également par la façon dont chacune réagit et complète les autres. Globalement, nous nous attendons à ce que l’avoine ajoute des notes douces et crémeuses, et le seigle apporte des éléments épicés et mentholés. Mais lorsque ces éléments font partie d’un mashbill plus large avec de l’orge maltée et non maltée, combinés à des approches modernes de fermentations méthodiques et expérimentales ainsi qu’à une maturation en fût efficace et de qualité, le potentiel est infini.

Bien qu’il n’y ait pas de saveur traditionnelle singulière du whisky irlandais, ,le whisky irlandais a toujours été riche en grains mélangés, la production de single malt ne représentant jamais plus de « 5 % du whisky par an au cours des 200 dernières années ». Il ajoute que l’île regorgeait « d’une myriade de saveurs qui changeaient selon les forces agro-économiques de l’époque. Parfois, le blé était en hausse, parfois, l’avoine était en baisse. En résumé, les saveurs évoluent et les distillateurs devraient être ravis de pouvoir ressusciter celles des siècles passés et leur apporter une touche moderne.

L’histoire des Single Pot Still est plus qu’une simple histoire d’évitement des accises, il s’agit d’un héritage de distillation irlandais plus complexe que le single malt. On estime que cette législation devrait être une plateforme de découverte et que chaque distillerie devrait proposer ses propres mashbills « comme un bon restaurant le ferait avec ses propres recettes ». On commente également qu’il faudra faire attention à ne pas être nostalgiques d’une époque révolue et qu’il ne s’agit pas d’une approche visant à simplement copier le passé. “Reconnaître notre histoire est vital, l’imiter ne l’est pas”, explique-t-il.



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