Nous avons détaillé pour vous ici les dates marquantes de l’histoire du whisky avec ses améliorations techniques, ses crises et ses faits importants.
-3000, Distillation ?
Des traces laissent penser que la distillation est inventée en Egypte 3000 ans avant notre ère. A cette époque c’était surtout le domaine des prêtres et des érudits. Ils produisaient principalement du parfum, des cosmétiques et des produits d’embaumement. De même, des traces mènent à penser que la distillation était présente en Asie 1000 ans avant JC.
-350, Distillation !
Les Grecs sont les premiers à décrire, utiliser et améliorer la distillation. En 350 av JC, Aristote décrit pour la première fois le phénomène naturel d’évaporation. Au 1er siècle, Dioscoride, décrit une méthode rudimentaire de distillation avec une amphore couverte de laine pour récupérer l’huile de térébenthine en distillant de la sève. On fait aussi déjà bouillir le vin pour l’épaissir.
7ème siècle, Parfums arabes
Les Arabes envahissent la méditerranée et prennent les écrits grecs. Ils vont reprendre et améliorer la technique pour produire des parfums. Au 9eme siècle, le mot alambic apparait dans un traité arabe sur les parfums et la distillation. On distille du vin pour la première fois au 8ème siècle.
10ème siècle, Alambic à chapiteau
Les alchimistes arabes inventent l’alambic à chapiteau à Cordoue. C’est une grande avancée vers l’alcool à proprement parler. Rapidement, les médecins s’emparent de la technique.
12ème siècle, Alambic en verre
Les italiens ont repris les ouvrages arabes et grecs pour les traduire. On note la première mention d’alcool dans une école de médecine. L’utilisation d’alambic en verre (de Murano?) a certainement aidé à améliorer la technique. Au 13eme siècle, la technique se propage dans le sud de la France et l’Espagne, partout où l’on produit du vin. C’est au 14ème siècle que la peste noire va répandre l’utilisation de l’alcool et donc de la distillation. L’eau de vie est née! La technique se répand en suivant la peste jusqu’en Ecosse et Scandinavie.
15ème siècle, Comas éthylique en Irlande
Au début 15ème siècle, on trouve la première trace de distillation en Irlande dans un traité (Le livre rouge du diocèse d’Ossory). Il ne s’agit pourtant que de vin distillé, pas de malt. Impossible de savoir si ils distillaient déjà du malt. Notons également le premier comas éthylique avéré de l’histoire, en 1405 à Noël, un chef de clan irlandais meurt d’un excès d’Uisce Beatha (l’eau de vie).
1494, Uisce Beatha en Ecosse
En cette année 1494, nous trouvons la première trace écrite de distillation de malt, enfin du Whisky. Et c’est bel et bien en Ecosse que cela se produit. Cette eau de vie de malt n’est pas encore vieillie en fût comme l’impose la loi sur le whisky aujourd’hui. Mais il s’agit bien de la première preuve historique de l’apparition du whisky.
1531, La part des moines
Le roi Henri 8 renie le pape et dissout par la même occasion beaucoup de communautés religieuses. Les anciens moines vont vivre de la distillation qu’ils manient à la perfection. la popularité de l’eau de vie auprès des puissants fera le succès du whisky en Ecosse et en Irlande.
16ème siècle, Maturation
Le whisky moderne voit le jour au 16ème siècle. On invente enfin la distillation moderne à grande échelle. Les distilleries voient le jour et commencent à produire de grandes quantités de whisky. C’est également à cette époque qu’on commence à faire vieillir le whisky dans des fûts. En effet, au 16ème siècle, les aristocrates anglais sont friands d’un vin fortifié espagnol, le Sherry, ou vin de Xérès en français. Ils en font venir de grandes quantités par bateau dans des fûts, les fameux Sherry Butt. A leur arrivée en Angleterre, les fûts sont vidés et laissés à l’abandon car inutiles dans ce pays qui ne produit pas de vin. Les distilleries qui ont besoin de déplacer leur whisky et de le stocker vont avoir la riche idée de réutiliser les fûts vides. C’est alors qu’ils se rendent compte du formidable potentiel de cette méthode pour améliorer le gout du whisky. Aujourd’hui, le principe est le même, les écossais récupèrent à bon prix les fûts américains qui ont servi à la maturation du bourbon. Ils y font alors vieillir le pure malt. La raison est aussi économique: le bourbon doit obligatoirement maturer dans un fût neuf pour mériter son appellation. Le Sherry cask quant à lui est resté encore très présent et s’impose comme le second affinage le plus répandu. Ceci s’explique par sa grande capacité à marquer le whisky qui y vieillit. Le 17ème siècle verra l’avènement des taxes et du contrôle de la production en Ecosse et en Irlande. Il faudra plus de 300 ans de luttes et de réformes pour faire cesser la distillation clandestine.
17ème siècle, Nouveau monde
Le 17ème siècle est placé sous le signe de la conquête des Amériques. Les premiers colons étaient de grands amateurs de whisky. arrivés en Amérique du Nord, ils eurent tôt fait de venir à bout des stocks importés. Ils cherchèrent alors à produire du whisky sur place. La production d’orge naissante dans ces contrées ne permettait pas d’assurer le volume nécessaire à la demande. Les premiers américains se tournent alors vers les cultures de maïs et de seigle beaucoup plus abondantes. C’est en 1620, qu’apparait le Bourbon Whisky avec James Thorpe, médecin, physicien et pasteur qui a appris à distiller le maïs. Dans les régions plus froides, en migrant vers le canada par exemple, le maïs se fait plus rare. Les colons distillent donc davantage de seigle. On parle alors de Rye Whisky. Le seigle est importé d’europe mais s’est mieux acclimaté que les autres céréales. Ces deux alcools sont encore aujourd’hui très présents, surtout sur le continent américain. On les retrouve en cocktail ou en dégustation. Au 19ème, on améliorera les techniques de maturation avec le bousinage et de distillation en ne gardant que le coeur chauffe.
1830, Coffey still
C’est l’année qui marque l’invention de la distillation en continu grâce à un tout nouvel alambique: le Coffey Still. Cette invention est en fait l’oeuvre de trois hommes. Le premier d’entre eux est Sir Anthony Perrier, opérateur de la distillerie Spring Lane à Cork. En 1822 il fait breveter un des premiers alambics continu d’Europe. Une méthode qui permet au moût d’être distillé en continu, sans avoir à recharger la cuve. Le passage du moût dans un labyrinthe de conduits lui permet de subir au maximum la chaleur. Ainsi la quantité d’alcool potable obtenu est bien plus importante, mais avec une qualité gustative moindre, il faut le reconnaitre.
En 1828 c’est un écossais que se décide à améliorer le modèle de Sir Perrier, Robert Stein. Il réarrange les conduits en colonne afin d’améliorer encore la rentabilité de chaque moût. Son invention prend le nom de « Patent Still » et est utilisée pour la première fois dans la distillerie Cameron Bridge. Malgré plusieurs présentations de son invention, il n’obtiendra jamais les fonds suffisants pour lancer la commercialisation. Il allait cependant attirer l’attention d’un jeune percepteur d’impôts.
En 1830, c’est Aeneas Coffey qui construisit la version que l’on connait aujourd’hui de l’alambic en continu. Le percepteur qui avait côtoyé les distilleries pendant plus de 25 ans avait réalisé le potentiel de l’invention de Robert Stein. Il l’améliore en faisant un constat simple. Le taux d’alcool du distillat est encore trop léger à son gout. Il crée donc de multiples étages à l’intérieur de son alambic afin que la vapeur y circule plus longtemps pour se charger au maximum en alcool. Il ouvre la Dock Distillery sur Grand Canal Street à Dublin pour y entreposer et utiliser son invention. Il introduit deux tuyaux dans la colonne afin qu’une plus grande partie de la vapeur recircule dans l’alambic au lieu de s’écouler dans le récepteur. C’est cette grande avancée qui a permis de supprimer la multi-distillation et produit un distillat plus alcoolisé et plus léger. Cette invention porte le numéro de brevet #5974 aux USA.
1853, Avènement des BLends
Grâce à l’avènement de la technique de distillation en continu, les distilleries vont commencer à produire du whisky à moindre cout. Ils en profitent également pour commencer à distiller des céréales non maltées: le blé, le maïs et le seigle. C’est la naissance du Grain Whisky. Le goût du grain seul est si décevant que l’on ajoute du whisky pure malt pour lui donner meilleur arôme. Le Blend whisky est né. Les irlandais ne tombent pas dans le panneau et restent fidèles au bon vieux “pot still”, un whisky distillé comme un single malt mais produit à partir d’orge malté et non malté, ce qui baisse tout de même les coûts de production. L’autorisation des blends en 1853 ne change rien, ils ont de toute façon déjà envahit le marché. Leur succès est immédiat et sera augmenté par la pénurie de vins (et donc de Cognac) dûe au phylloxera en 1863. Les blends moins chers à produire vont mettre à mal l’industrie Irlandaise restée fidèle au pot still.
1890, Crise des Patisson
C’est l’année de la Crise des Patisson. Les Patisson sont deux frères négociants en whisky. Ils eurent l’idée de profiter de la popularité du blend whisky pour créer une entreprise de négoce. Leurs affaires étaient florissantes et ils achetaient des volumes énormes de whisky à crédit. A cette époque, cette pratique était courante, la production de whisky en Irlande et en Ecosse était alors à 90% constituée de blends. Le système fonctionne tant que la demande dépasse l’offre. Mais si la demande chute, le système s’effondre. Or les quantités accumulée par les Patisson sont rapidement devenues impossibles à écouler. L’une des raison est la baisse dramatique de la qualité des blends. En effet, attirés par l’appât du gain, les deux frères ont largement diminué la part de pure malt dans les blends pour y ajouter d’avantage de grain whisky. La qualité des blends est alors devenue très médiocre. Lorsque le marché s’est effondré en 1890, c’est tout l’univers du whisky que les Patisson ont emporté dans leur chute. Dans les années précédant la crise, la demande des négociants était tellement forte que toutes les distilleries ont doublé ou triplé leurs capacités de production. Nombre de distilleries ont même ouvert uniquement pour vendre leur production aux négociants. En détruisant le marché, les marchands de blend ont également tué plus de 80% des distilleries. De 161 distilleries en activité en 1890, on n’en comptera plus que 30 en 1900. C’est de loin la plus grave crise de l’histoire du whisky Ecossais et Irelandais. Si les distilleries d’Ecosses se sont ensuite relevées grâce au retour en force du pure malt un siècle plus tard, les distilleries Irlandaise ne s’en sont jamais vraiment remises. Pendant ce temps, le whisky Canadien connait un essor prodigieux et va même conquérir la Chine avec Canadian Club.
1920, Prohibition
La prohibition aux Etats unis était une interdiction nationale de production, détention, importation, transport et vente d’alcool ou de produits alcoolisés entre 1920 et 1933. Elle fut lancée par les membres ruraux de paroisses protestantes et des mouvements progressistes au sein de tous les partis politiques. Elle fut mandatée par le 18ème amendement de la constitution américaine. Seul l’acte Volstead définissait quelques exceptions comme le vin de messe utilisé par les pasteurs ou le cidre maison. Elle ne fut pas un succès total mais réussit à diminuer la consommation de plus de moitié. Durant cette période, une production clandestine fut bien entendue organisée dans le pays, dirigée, entre autres, par Al Capone. Des importations illégales en provenance d’Ecosse arrivaient régulièrement en transitant par les caraïbes, principalement à Nassau. Elle prit fin avec la ratification du 21ème amendement de la constitution. On estime que la fin de la prohibition fut essentiellement due à l’arrivée de la grande dépression, face à laquelle Franklin Roosevelt n’eut d’autre choix que de légaliser à nouveau l’alcool pour pouvoir prélever des taxes. Cette période va porter le coup de grâce aux irlandais qui ne peuvent déjà plus vendre aux anglais depuis leur indépendance. Le Canada quant à lui profite de l’aubaine en annulant sa prohibition votée deux ans plus tôt.
1923, Le soleil levant
Le père du whisky japonais, Masataka Taketsuru a été envoyé en Ecosse en 1918 pour étudier la distillation. Il aura alors tout le loisir de travailler dans des distilleries et d’en étudier le fonctionnement. Il fera ses armes entre autres chez Longmorn. En 1920, Taketsuru rentre au Japon sans oublier de ramener d’Ecosse celle qui sera sa femme. L’entreprise qui l’avait envoyé étudier la distillation abandonne le projet de distillerie au Japon. Il va alors se mettre au service de Shinjirō Torii pour qui il va monter la distillerie Yamazaky en 1923. C’est la toute première distillerie du Japon. Le whisky Japonais est né. Il deviendra en 2014 le meilleur whisky du monde. En 1934, Maître Taketsuru va fonder la distillerie Yoichi pour y produire un whisky tourbé. Il fondera plus tard la distillerie Miyagikyo et regroupera les deux productions sous l’appellation commerciale Nikka.
1943, L’Ecosse à sec
En 1943, il ne reste que 42 distilleries en Ecosse, mais elles vont toutes fermer car le grain est réservé à l’effort de guerre. Il n’en restera alors aucune en activité. En 1950, c’est la fin de la guerre, le whisky devient l’acool favori du monde libre et va connaitre une belle croissance assurée par l’augmentation générale du niveau de vie. Les Blends dominent toujours le marché et le single malt est presque introuvable.
1963, Retour des Single Malt
Les années 80 marquent le retour des pure malt sur le devant de la scène. A cette époque, les classes moyennes se sont suffisamment développées pour permettre l’essor du whisky pure malt plus cher que les blends, mais de bien meilleur qualité. Glenfiddich le premier remet le single malt sur le devant de la scène en 1963. Le niveau de vie et les palais des amateurs sont maintenant prêts à accueillir ce produit qui nous est cher. Nombre de distilleries fermées vont rouvrir, souvent en étant rachetées par de grands groupes comme Diaego, LVMH, ou encore Pernod Ricard. C’est ainsi que la plupart des distilleries qui affichent des dates de fondation centenaires ont en réalité été fermées durant très longtemps avant de rouvrir il y a une vingtaine d’années. Elles font aujourd’hui la joie des amateurs du monde entier. Surfant sur cette vague, de nombreuses distilleries ouvrent chaque mois dans le monde entier et dans l’hexagone. Ces jeunes pousses en quête de qualité et de nouveauté assurent la relève haut la main et promettent de belles surprises à tous les amoureux du malt.
Et Maintenant ? Le tour de la France
Nous connaissons actuellement une période de très forte croissance du whisky haut de gamme. Ce marché dynamique a entrainé l’ouverture de distilleries partout dans le monde. On distille aujourd’hui du single malt de Taïwan à la Suède. Alors que certains copient le style des Ecossais, d’autres s’attachent au contraire à créer des whiskies typiques de leur région. Bien entendu, la France est dans la course. Tout le savoir-faire est présent sur notre sol:
Les céréaliers français sont parmi les plus reconnus du monde.
Nos brasseurs produisent de la bière locale ou industrielle de très bonne qualité et avec une infinité de variantes et de terroirs.
Les distilleries sont légions en France et nous maîtrisons cet art à la perfection sous toutes ses formes depuis des siècles. Les innovation sont très nombreuses dans ce domaine.
Enfin, la maturation n’a plus de secret pour les maîtres de chais français qui font vieillir du vin et des spiritueux avec le plus grand soin.
Tous les ingrédients propices à l’apparition de grands singles malts français sont présents. Il ne reste plus qu’à encourager les entrepreneurs qui se sont lancés dans l’aventure. Nous comptons aujourd’hui en 2015 plus de 39 distilleries dont 5 en construction. Les experts en prédisent 50 d’ici quelques années. Le whisky étant avant tout affaire de patience, il faudra attendre pour les déguster. Mais la collection des single malts français s’étoffe chaque année et de très bonnes bouteilles sont d’ores et déjà disponibles. Tous affichent une belle typicité et beaucoup n’hésitent pas à innover dans toutes les étapes de la production.