Deuxième partie: 101 whiskies, Ecosse, Irlande, Etats-unis, Japon
Retour au pays du franc parler avec la deuxième partie de la bibliothèque maltée ou Bruno nous parle cette fois du célèbre livre de Ian Buxton: Deuxième partie: 101 whiskies, Ecosse, Irlande, Etats-unis, Japon.
Sortons de ces amuses-bouches, pour entrer dans le vif du sujet. Comment choisir un whisky bien fait, et qui plus est un whisky qu’on aime. Le principal est bien là. Je reconnais, comme l’auteur du livre dont je vais parler ensuite, qu’il y a certains whiskys qui obtiennent d’excellentes notes des meilleurs experts (pléonasme) mais que je trouve dégueulasse peut-être pas, mais que je n’ai aucun plaisir à boire. Car les whiskies sont souvent notés sur 100 selon des algorithmes variants suivant les auteurs, mais inspirés de la méthode de Robert Parker pour le vin. Quatre items : nez, bouche, finale, balance 25 points par item et on additionne. Ces systèmes de notation prêtent à controverses, mais soit tout le monde copie sur le voisin, soit c’est scientifiquement fiable, soit il y a un mixte des deux. Comme il y a de l’humain (et très accessoirement de l’argent) en jeu j’ai tendance à penser que la dernière hypothèse est la bonne. Lorsque l’on regarde les notes attribuées par les experts des malts maniacs, il n’est pas rare de voire une différence de 10 points entre deux dégustateurs chevronnés. C’est un peu comme les devoirs de philosophie. On peut se taper un 16 avec un correcteur et un 13 avec un autre. Jamais un 4 et un 15 ! Noter une copie de mathématiques est bien plus facile (quand on reste au niveau universitaire, savoir si il n’aurait pas été plus judicieux d’attribuer la médaille Fields à André Wiles mais aurait nécessité de changer les règles : il a obtenu son remarquable résultat après la date fatidique des 40 ans ! Contrairement aux whiskies les meilleurs mathématiciens sont les plus jeunes).
Voici un livre drôle, plein d’anecdotes, pas prétentieux et plein de choix judicieux avec un auteur qui assume ses opinions et ne fait pas dans le consensus : 101 whiskies, Ecosse, Irlande, Etats-unis Japon de Ian Buxton, chez Dunod (12,90 €). Si on laisse de côté les trois bouteilles les plus chères (l’auteur avoue comme moi un penchant certain pour Highland Park, sur les 101 bouteilles 4 sont de cette distillerie dont un de 40 ans d’âge à 1 200 €) le prix moyen d’un flacon est de 68 €, et l’achat des 101 bouteilles est estimé à 10 000 euros, mais là je suis certain que vous avez devant vous une belle marge de négociation, certainement 15% voire plus si vous êtes radin comme un Ecossais et têtu comme un Breton (à ce propos Armorik « maître de chai » qui vient d’être élu meilleur single malt français est une splendeur mais ne figure pas dans cet ouvrage). L’auteur revendique de ne pas nous proposer une sélection de whisky médaillés, ni des meilleurs whiskies du monde, ni même de 101 single malt. Il a recherché avec deux critères : disponible relativement facilement dans des boutiques physiques (je vous assure qu’ils en existent encore, mais je vous assure aussi que les bouteilles achetées sur internet arrivent chez vous intactes) et d’un prix abordable.
L’auteur avoue aussi privilégier les petites distilleries face au monopole Diageo/LVMH/Pernod Ricard (44 distilleries à elles trois) et aussi les whiskies qui ont un style si particulier qu’il faut l’avoir goûté une fois dans sa vie : un exemple répondant parfaitement a tout ces critères est le Glenfarclas 105, un des rares brut de fût facile à dénicher. Il a exclu d’office les single cask : le nombre de bouteilles n’est pas suffisant pour être facilement accessible, ainsi que toute bouteille dépassant les 1500 euros, comme le Macallan 57 ans d’âge Finest Cut dans sa carafe Lalique. Les élus ne sont pas notés (Ian Buxton considère la notation sur 100 ridicule, car il estime que personne ne fera la différence entre un whisky noté 92 et un autre noté 93 ! Je partage tout à fait son avis, mais je fais sans problèmes la différence entre un flacon noté 70 et un autre noté 95 ! Il cite Aenas MacDonald qui a déclaré en 1930 qu’on devait juger un whisky avec son bon sens, son nez et son palais. La moitié de sa collection est à moins de 50 € la bouteille et pour chacune il donne l’indication de sa fourchette de prix (moins de 30€, entre 30 et 49€, 50-84€, 85-200€ et enfin plus de 200€.
Les whiskies sont classés par ordre alphabétique, la page de gauche une image de la bouteille (pleine!) et celle de droite toujours conçue sur le même modèle : quelques informations sur l’historique de la marque, la distillerie et ceux qui le produisent et un petit encart très court mais suffisant sur le classique Couleur, Nez, Bouche et Finale. Le tout avec de l’humour : pour le Highland Park 21 ans à Couleur il indique : « les producteurs parlent de « coucher de soleil sur les Orcades », mais c’est un peu exagéré ! ». S’il y a une profession que l’auteur aime bien chambrer ce sont les gens du marketing ! Cet homme, au visage rigolard derrière ses lunettes, n’est pas un perdreau de l’année ! Il est légitime pour parler de l’industrie (hé, oui, cher lecteur c’est bien une industrie dont nous parlons là, avec ses avantages, ses travers, sa force de frappe financière, ses liens capitalistiques. Bon quand vous offrez un sac Hermès à votre homme (voire votre femme si vous êtes pervers) vous savez bien qu’au final vous filez votre pognon à une multinationale, dont j’adore le parfum « Terre d’Hermès », mais bon) : il a commencé son taf en 1987, et a été directeur marketing de Glenmorrangie (excusez du peu!) de 1989 à 1991 (ce qui peut expliquer sa défiance vis à vis de LVMH qui a racheté cette société dont les propriétaires étaient la famille MacDonald pour la modique somme de 300 millions de sterling en 2004), donc le marketing il connaît. Moi aussi, j’ai bossé pour une multinationale de l’informatique, je n’ai tenu que six années et je hais les gens du marketing (« vendez la flamme pas le briquet »). Bref il n’a pas sa langue dans sa poche. Deux exemples et je m’arrête sur ce livre que tout amateur lira comme un polar. Ensuite promis, je vous parlerai d’un « must have ».
D’abord sur Nikka. J’ai moi même été très surpris en dégustant mes premiers Nikka. Ceux qui sont abordables sont souvent des blend, mais vraiment très, je dirais trop bien faits. On a beau chercher c’est japonais : aucun défaut. Cela en devient énervant cette rondeur, ces accords parfaits d’arômes. Vous pensez que les blend ne sont pas à la hauteur des single malt écossais : essayez nikka from the barrel, il titre tout de même un honnête 51,4 %, est boisé, épicé, floral et fruité : son seul défaut, à mon avis, ne pas être intriguant. Vous n’ êtes pas devant votre verre de dégustation favori (si c’est un tumbler, préférez lui un petit verre à moutarde d’amora nettement plus adapté s’il a été lavé auparavant et débarrassé des horribles résidus de lave vaisselle, mais j’y reviendrai peut-être) en cherchant des arômes, des saveurs, bref des flaveurs comme on dit. C’est très bon, et ça se boit sans réfléchir. De quoi finir pompette si on n’y prend garde. Cela m’est arrivé une fois et aux urgences de Saint-Michel l’urgentiste m’a demandé « rencontre avec un trottoir ? » ce à quoi j’ai répondu « non avec une table basse ». Il a rétorqué « ça se tient. Bon je vais vous recoudre, bien entendu vous n’avez aucun besoin d’anesthésie vu votre état, c’est l’avantage des alcools forts. Je vais faire une dizaine de points, et ne me dites pas que ça fait mal, ça m’énerve et je deviens maladroit, et la vous allez douiller ». Je m’égare, mais bon, faites gaffe au 51,4 % du nikka from the barrel, c’est pas de la flotte, vraiment pas !
Donc Ian nous parle fort bien du Nikka – all malt et nous raconte que c’est un alcool très intéressant, un blended malt unique (bon comme vous avez lu les livres précédents vous savez ce qu’est un blend) issu des distilleries Yoichi et Miyagikyo (au contraire de l’Ecosse il y a très peu de distilleries au Japon), Horrosco referens Miyagikyo distille sur un alambic à colonnes de type Coffey (bon cela aussi vous avez du l’apprendre dans un des livres précédents). Ce que nous apprend M. Buxton (keeper of the quailch depuis 1991) c’est que si ce whisky était fabriqué en Ecosse il ne pourrait s’appeler « malt whisky » la toute puissante SWA (Scotch Whisky Association) qui fait, si ce n’est la pluie et le beau temps, mais la réglementation sur notre boisson favorite a décidé qu’un malt whisky ne peut pas être élaboré dans un alambic à colonnes ! Bon sur l’alambic Coffey il y a une rivalité entre écossais et irlandais, notons qu’Aneas Coffey est né en France, à Calais en 1780. Il a fait une grande partie de sa carrière dans les douanes, dont il démissionne en 1824 pour se consacrer a la distillation de whiskey. Certes son invention avait pour but de fournir à l’industrie un procédé plus efficace et moins onéreux (distillation continue) pour produire l’alcool de grains, mais bon jusqu’à plus ample informé l’orge est un grain ! La position de la SWA (souvenez vous de la chanson de Jacques Brel (qui ne crachait pas sur le whisky) Jaurès : Oui, not’ Monsieur oui not’ bon Maître) est contestée par certains dont la distillerie Loch Lomond qui est la seule distillerie d’écosse a produire du whisky de grain et du whisky de malt (bon le malt c’est un grain qui a fait l’objet d’une germination qui permet de développer les enzymes et par un processus dont je n’ai aucune idée de transformer au final l’amidon en maltose. Je ne suis pas chimiste, mais le seigle et le blé se prêtent à la même transformation), je m’égare Loch Lomond distillerie qui a refusé d’adhérer à la toute puissante SWA. Bon, je ne suis qu’un buveur, mais achetez donc un Nikka Coffey Malt Whisky (ils font aussi un Coffey Grain), un whisky qui score dans les 85 : il est excellent (avec les défauts que je trouve aux productions japonaises : trop rond, pas surprenant, mais irréprochable).
Heuh, oserais-je une analogie sexuelle ? Non ! Mais petit canaillou vous voyez très bien que dès fois on a plus de plaisir avec un-e partenaire qui n’a pas une technique parfaite, sinon on s’emmerde. Bref ensuite Ian Buxton ose une analogie entre la situation industrielle du Royaume-Uni dans les années 1950-1960 « lorsque le pays fabriquait encore des voitures, des télévisons ; de bateaux etc… jusqu’à ce que des managers bornés, des syndicats intransigeants et des politiciens suffisants permettent à des produits d’importation d’envahir nos marchés » (comme chante Renaud, qui a eu le grand tort de préférer un apéritif anisé sans intérêt aux whiskies : Y’en a pas même en Grande Bretagne/à part bien sur Madame Thatcher), bref en bon Anglais Ian est pour l’indépendance de son pays, comme nous autres Français ! Dès fois il déconne un peu, mais bon nous aussi, non ?
Première partie: les ouvrages de LMDW
Troisième partie: The Malt Whisky Yearbook
Quatrième partie : La Whisky Bible
Cinquième partie: Guide de l’amateur de malt whisky
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