Le Campbeltown

L’ancien triangle d’or du whisky

Il est des endroits dont les cycles historiques sont plus compliqués que d’autres, et principalement dans certains métiers. Ce ne sont pas les anciens mineurs du nord de la France qui vous diraient le contraire aujourd’hui.

Il existe, à l’Ouest de l’Ecosse, une presqu’ile qui fût à une époque le cœur de la production de scotch whisky, que ce soit single malt ou blends. Il s’agit bien sur de la région du Campbeltown, englobant la ville du même nom et le Mull of Kyntire. Autrefois aussi riche en distilleries que le Speyside, elles ne se comptent aujourd’hui plus que sur les doigts d’une main. Voyons ce qui est arrivé à l’ancienne capitale mondiale du whisky.

Un peu d’Histoire

C’est vers la fin du 18ème siècle que l’on trouve officiellement trace de distilleries officielles dans la région de Campbeltown avec Ballegregan. La distillerie semble avoir vécu seule jusqu’au grand boom du whisky des années 1820/1830 suite à l’invention des alambics à colonne par Aeneas Coffey et la création des blends. Elle était connue pour créer des whiskies tourbés, complexes et puissants, aux notes amrines.

A partir de 1818 c’est l’une après l’autre que les distilleries se créent dans la ville et la région, qui pour rappel remonte jusqu’au Nord du Mull of Kyntire. Campbeltown, Caledonian, Burnside, Lochside ou encore Argyll pour ne citer qu’elles, se construisent à des vitesses record sous l’impulsion d’un marché en pleine croissance. A son apogée, la région comptait plus de distilleries que le Speyside alors qu’elle était plus petite de moitié! Les plus grands noms du milieu, tels Johnnie Walker qui y assemblait ses whiskies, venaient y installer une distillerie ou acheter du whisky en gros.

Puis ce fut le 20ème siècle et son début catastrophique pour le whisky. Entre la bulle spéculative du whisky qui éclata (la fameuse crise des Pattisons), la prohibition dans plusieurs pays et la crise de 1929, il ne restait en 1935 que… 2 distilleries, au cœur desquelles se trouve une famille bien connue des amateurs de single malts et autres jus maltés. Aujourd’hui elles ont été rejointes par Glengyle, remise à neuf dans les années 2010, et Springbank produit plusieurs marques. et d’ailleurs quand on parle de Springbank…

Le miracle Mitchell

Comme vous avez pu le voir la quasi-totalité des distilleries de whisky ont fermé suite aux crises du début du 20ème siècle. Mais il en resta 2 qui allaient continuer leur vie, sans interruption jusqu’à aujourd’hui, ce qui est une prouesse. Et une famille est au cœur de ces distilleries et de la production de whisky dans la région, les Mitchell.

Amoureux de leur région et de leur whisky, ils n’abandonnèrent jamais la qualité de leurs produits aux sirènes du profit. Des distillats de qualité, un style inimitable, avec leur distillerie Springbank ils continuaient de produire des whiskies haut de gamme. On otera d’ailleurs que Springbank fait aprtie de ces distilleries qui pratiquent la double distillation et demi (têtes et queues sont redistillées pour pouvoir être ajoutées au futur whisky).

Au fur et à mesure de son existence, Springbank allait même faire revivre d’autres distilleries sous sa coupe, en distillant un malt plus tourbé qui allait s’appeler Longrow et un autre plus léger en phénols et triplement distillé, Hazelburn. Tous deux sont distillés chez Springbank et rendent hommage aux style des distilleries éponymes fermées (en 1898 pour Longrow et 1925 pour Hazelburn).

Mais la créativité des Mitchell n’allait pas s’arrêter là! Ils créèrent ensuite une gamme d’embouteillage indépendant, aujourd’hui l’une des plus recherchées au monde, Cadenhead. Que ce soit dans des vieillissements classiques, notamment le sherry, ou leur gamme passée dans des fûts plus neutres que la Suisse afin de mettre le travail de distillateurs.

On notera d’ailleurs également que Glen Scotia, autre distillerie de la région dont le whisky sert principalement aux blends, fait vieillir ses stocks par et chez Springbank, et cela veut tout dire sur la qualité du travail de la maison.

Et pour finir dans le courant des années 2000-2010 les Mitchell remirent en marche la distillerie Glengyle qui allait produire le single malt Kilkerran, au distillat qui, décidément, a un on ne sait quoi de Springbank.