Private Whisky Society

Entretien avec un expert

Après avoir travaillé pour La Maison Du Whisky et Whisky Magazine, Philippe jugé est un fin connaisseur de whiskies, particulièrement concernant les français. Aujourd’hui à l’origine du salon France Quintessence qui met en valeur les spiritueux tricolores, qui pouvait mieux nous parler du whisky hexagonal et de son potentiel ?

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Vous êtes un des meilleurs connaisseurs du whisky français, que pensez-vous de cette industrie naissante et de son évolution ?

Tout a commencé avec Warenghem en 1984 et la sortie de leur premier whisky en 1987. Depuis quatre ou cinq ans, on assiste à une explosion du nombre d’opérateurs sur le marché, distilleries ou embouteilleurs, avec une petite dizaine de nouveaux venus chaque année. Aujourd’hui, il y 35 distilleries en activité en France Métropolitaine, 4 sont en construction avec des mises en service courant 2016 et on compte douze embouteilleurs indépendants de whisky brassé, fermenté, distillé et vieilli en France. Je pense qu’on attendra assez rapidement les 50 distilleries en France, probablement d’ici deux ans.

Ceci dit, le whisky de France n’est pour le moment pas en mesure d’être comparée aux Écossais. Il faut entre 20 et 25 ans de production pour pouvoir commercialiser un 10 ans d’âge de manière permanente. Et pour l’instant, seule une vingtaine de sociétés commercialise du whisky. Beaucoup n’ont pas encore commencé à vendre. Donc le problème du moment, c’est le même que partout dans le monde : les stocks disponibles. Mais je suis très confiant et très optimiste : La force du whisky de France, c’est son savoir-faire, réputé et envié par le monde entier, à toutes les étapes de la production du whisky. Nos semenciers sont réputés, nous sommes les leaders mondiaux de la production d’orge brassicole, nous avons inventé les techniques modernes du brassage avec Jules Saladin (les fameuses Saladin’s box chères aux Ecossais) et Nicolas Galland (malterie à tambour). Nous sommes très bien placés dans la fabrication d’alambic à repasse (Pruhlo-Chalvignac) ou continu (Stupfler) et nous maîtrisons parfaitement le vieillissement sous bois grâce à des maîtres de chai (dans le cognac, le calvados, l’armagnac, le rhum), de nombreuses tonnelleries en activité (merci aux vignerons) et nos forêts de chêne (Limousin, Tronçais, Paimpont, etc).

Le temps étant l’allié du producteur de whisky (un peu moins du financier), on constate une impressionnante et très rapide amélioration de la qualité générale du whisky de France. Et s’il était encore cher il y a quelque temps (les installations ne sont pas vraiment amorties et les quantités produites très faibles), les prix de tous les autres whiskies ont tellement augmenté que la plupart des embouteillages français sont aujourd’hui en ligne avec les tarifs.

Toutes les planètes sont donc alignées pour que le whisky de France se développe rapidement. Et n’oublions pas qu’il se vend déjà 700 000 bouteilles par an (à comparer aux 900 000 de whisky japonais dont on parle beaucoup plus). Donc le whisky de France ne part pas de zéro. Son marché existe.

Peut-on définir le style du whisky français ?

Pas vraiment, mais c’est une force. Les producteurs ont bien compris que copier le whisky écossais n’avait pas de sens, ni à moyen terme, ni à long terme. Et ils s’appuient tous sur un savoir-faire, du matériel ou des pratiques qui sont propre à leur région de production, à leur histoire ou à leurs envies. Et bien souvent aux trois.
Les profils des producteurs sont également très divers : il y a les distillateurs d’eaux-de-vie traditionnelles (fruits, cognac, cidre) qui ouvrent leur gamme au whisky. Il y a des brasseurs qui passent à l’étape suivante, celle de la distillation. Et puis il y a ceux qui partent d’une feuille blanche, sans aucun passif avec les bières ou les spiritueux.
Cela donne des whiskies tous différents.

L’IGP Whisky Breton a beaucoup fait parler d’elle, que pensez-vous de cette IGP ?

C’est à la fois un bien utile et un mal nécessaire. D’un point de vue marketing, la marque importe souvent plus que la situation géographique du producteur ou d’une quelconque Indication Géographique Protégée. Ce n’est donc pas forcément essentiel au développement des spiritueux en général et du whisky en particulier, qu’il soit français ou d’ailleurs. Le seul bémol véritable, c’est le frein à l’innovation ou au développement si le cahier des charges est trop contraignant ou devient inadapté au marché. Par contre, une IGP permet de garantir au consommateur l’origine du produit. Il y a de plus en plus de marques de whisky dont les eaux-de-vie sont importées d’Ecosse, d’Allemagne, voire d’Inde et seulement embouteillées en France. C’est de cela que les producteurs Bretons et Alsaciens ont voulu se protéger. De toute façon, ils n’avaient pas le choix, c’est Bruxelles qui a demandé à tous les pays européens de déposer une bonne fois pour toute leurs AOC, AOP et autres IGP. Pour les whiskies breton et alsacien, c’était donc le moment ou jamais.

A titre plus personnel, quel est votre whisky français préféré ? Et qu’est ce qui vous a décidé à collectionner ces whiskies ?

Je suis un grand fan de tourbe, donc je dirai Kornog dont j’ai un fût en vieillissement à la distillerie. Le premier Taol Esa que j’avais gouté m’a laissé de beaux souvenirs. J’ai commencé à acheter des whiskies français au moment où j’ai commencé à travailler dans le whisky il y a une dizaine d’années. C’était les débuts et je trouvais important de garder une trace de ce qui sortait à l’époque. Les embouteillages étaient pour la plupart assez confidentiels mais j’avais aucun doute sur le fait que cela allait se développer. Disons que j’étais au bon endroit au bon moment et que cela aurait été dommage de ne pas en profiter.



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