Le Sherry butt est le type de fût le plus utilisé après le bourbon dans la maturation du whisky. C’est lui qui a amené l’idée de vieillissement en fûts de chêne et il est vite devenu une référence en terme d’apport de saveurs. Mais qu’est ce que le sherry et comment est il entré dans l’histoire du whisky ?
Definition
Les sherries, xérès en français, sont des vins blancs espagnols en provenance d’Andalousie. La majeure partie de la production s’effectue à Jerez de la Frontera dans la région de Cadix. Ces vins sont fortifiés à l’eau de vie de raisin, à 13% ou 15,5% pour les Finos et 18% pour les Olorosos. Il existe une variante du sherry, le Montilla-Moriles, produit au sud de Cordoue. Ces vins sont identiques mais la « Denominacion de origen », appellation d’origine controlée en français, est différente.
Histoire
L’histoire du sherry et de sa fabrication remonte à l’antiquité. Les phéniciens furent les premiers à fortifier des boissons en ajoutant du vin au jus de fruits afin de limiter son vieillissement tout en créant une boisson de grande consommation.
Très à même de développer leur commerce, les Grecs, fins marchands qui connaissaient bien la Phénicie, furent les premiers à faire sortir les boissons fortifiées de leur pays natal, et à les revendre au travers de leurs liens tissés avec les diverses nations méditerranéennes et européennes.
Par la suite c’est dans l’empire romain, très friand des divers types de vins existants, que cette boisson, qui n’est pas encore tout à fait du sherry, va s’améliorer. Afin d’en faire ressortir le goût, les romains faisaient bouillir le jus de fruits afin de maximiser son taux de sucre avant d’y ajouter le vin. Cela le rendait plus doux et plus faciles à boire lors de célèbres libations.
Mais c’est avec les Maures, qui introduisirent la distillation dans le processus de fabrication, que le sherry allait naître, sous une forme légèrement différente toutefois, car le vieillissement sous flore bactérienne était à l’époque exclu. Ils furent donc les premiers à ajouter de l’alcool de raisin dans le vin.
C’est suite à l’invasion de l’Espagne que le procédé allait traverser la méditerranée pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Ce sont les espagnols, et plus particulièrement la région de Jerez et de Montilla-Moriles qui améliorèrent la production et découvrirent la maturation sous flore bactérienne grâce à leur climat plus propice au développement des bactéries.
Ce qui nous amène au début du 16ème siècle au Royaume Uni. A cette époque la bourgeoisie avait découvert le sherry lors de leurs escapades sur le continent et l’avait ramené dans leurs bagages. Il se démocratisa rapidement dans tout le pays, si bien que des monceaux de tonneaux vides, les fameux sherry butts, se retrouvaient jetés ça et là dans les campagnes. Les fabricants de whiskies se dirent alors qu’ils pouvaient utiliser ces fûts afin de transporter le whisky sans débourser d’argent. Mais lorsqu’ils découvrirent leur distillat laissé dans ces fûts pour quelque mois par moment, ils furent totalement abasourdis du résultat et la maturation en fûts de sherry, puis plus tard dans toutes les formes que nous connaissons aujourd’hui, devint une norme.
Fabrication
Le sherry est vinifié à partir de trois cépages différents, le Palomino fino qui est utilisé à 90% et donne au vin ce goût de noisette, le Pedro Ximenez, plus sucré, et le muscat, Moscatel en espagnol, semblable au PX. La récolte se fait en septembre. Les grappes les plus mures sont récoltées puis mises à sécher un ou deux jours dans un lieu appelé almiar.
Vient ensuite la vinification, nous allons nous intéresser aux deux catégories qui nous concernent pour le whisky :
Les Sherries Secs, produits à partir de Palomino Fino
Ils sont mis à vieillir avec de l’air dans le fût afin qu’une couche de bactéries appelée flor, qui permet une lente oxydation du vin, se développe. Dans les sherries secs on distingue les finos, manzanillas, olorosos et palo cortados.
Au mois de décembre s’effectue une première dégustation pour définir la qualité du sherry et l’annoter sur le fût. Les plus abondants en flor seront amenés à devenir des finos alors que ceux en contenant moins deviendront des olorosos. On ajoute alors de la liqueur de raisin afin de les amener au titrage d’alcool correspondant au niveau d’alcool nécessaire à
Si les 13.5% des finos et manzanillas leur permettent de conserver leur flor et donc un vieillissement dit « biologique », les 15% des amontillados leur font perdre leur flor petit à petit. Les olorosos, quant à eux, subissent un ajout d’alcool à un stade moins avancé de leur maturation sous flor que les finos afin de laisser un impact minime des bactéries en les supprimant, pour environ 18% d’alcool au total. Ils sont ensuite mis en vieillissement.
Les sherries doux, produits à partir de Pedro Ximenez et Moscatel.
Les sherries doux, dont la plus célèbre dénomination est le Pedro Ximenez, ont un processus de vinification très différent. Leur forte concentration en sucre assure une fermentation spontanée et très lente. Afin de stabiliser l’activité microbiologique dans la fermentation des moûts de raisin, de l’alcool est ajouté avant la mise en fûts. Ainsi, le vin est stabilisé pour passer l’automne et l’hiver, après quoi le nouveau vin est soutiré et encore enrichis à 18-22 degrés d’alcool. Le vin est ensuite laissé à vieillir en fûts de chêne américain, en utilisant soit le même vieillissement que le sherry sec, soit un vieillissement classique. La quasi totalité de la production sert à produire le sherry de type Pedro Ximenez.
Vieillissement
Après maturation, ils peuvent être mis en vieillissement avec un processus en escalas appelé “Solera”. Les fûts sont empilés sur plusieurs étages, de 3 à 14 suivant la taille du négociant, contenant tous du sherry de provenance identique. Les fûts les plus bas sont les plus anciens et contiennent un sherry plus vieux. Lors de la mise en bouteille, environ un tiers du sherry contenu dans la rangée du bas est tiré du fût. Il sera re-rempli immédiatement après avec une partie du contenu du fût au dessus de lui et ainsi de suite. Le fût au sommet est lui re-rempli avec du vin de l’année. Ainsi avec ce processus, le sherry garde une constance dans son goût.
Les différents types de sherry
Fino
Le sherry fino est le plus sec des sherries, fabriqué dans la province de Jerez. Il subit un vieillissement uniquement biologique sous sa flore bactérienne. Il est caractérisé par un gout frais et des notes de noisettes.
Manzanilla
Le sherry Manzanilla est un fino fabriqué dans la province de Sanlùcar de Barrameda. Le climat cotier plus frais et humide permet à la flore bactérienne de mieux de se développer. Il est donc encore plus frais que le fino et beaucoup plus salin.
Amontillado
Les amontillados sont des sherries dont la flore bactérienne a disparu ou a été volontairement détruite en cours de maturation par ajout d’alcool afin de lui offrir une deuxième partie de vieillissement par oxydation à l’air. C’est un sherry plus lourd et légèrement plus doux que les finos.
Oloroso
L’oloroso est à l’opposé des finos, tout en restant dans la catégories des sherries secs. En effet peu après sa mise en fut, alors que la flore bactérienne commence seulement à se développer, on lui ajoute une quantité d’alcool lui permettant de monter à 18% afin de vieillir uniquement par oxydation. Il est beaucoup plus sombre que ses homologues et a beacoup plus de caractère.
Palo Cortado
Le Palo Cortado est un type à part dans les sherries. Seulement 1 à 2% de la production totale devient un palo cortado. Il est mis à vieillir comme un fino, mais perd sa flore bactérienne sans que l’on ait eu à ajouter d’alcool au préalable. Le vin est fortifié à hauteur de 18% par la suite et remis à vieillir. Il en résulte un sherry avec la corpulence et le caractère de l’Oloroso mais également la fraicheur sèche d’un fino.
Pedro Ximenez
Le Pedro Ximenez est le plus sucré et le plus doux des sherries. Produit à partir de cépage Pedro Ximenez ou Moscatel, il est sucré, souvent servi en dessert. Il est fortifié en alcool avant sa mise en fut, dans lequel on ne laisse pas entrer d’air, afin de vieillir uniquement par oxydation. Ils atteignent en général 22% d’alcool.
Embouteillage et conservation
Les sherries sont en général embouteillés entre 12 et 15 ans, même si certains vont jusqu’à 30 ans ! Cela ne signifie cependant pas qu’ils ont vécu un transvasement sur 30 rangées. Au-delà de 15 ans le vieillissement se fait de manière classique. Tout comme le vin français, le sherry peut être conservé à vieillir en cave, mais seulement via l’oxydation amenée par la porosité du bouchon.
Régulation et consommation
Afin d’éviter que les stocks ne s’épuisent ou que du sherry de moindre qualité ne soit mis en vente, le consejo regulador, autorité qui régule la fabrication et la vente de sherry, autorise uniquement 40% du volume total des stocks à être mis sur le marché chaque année.
100 millions de litres sont vendus chaque année. Les plus gros consommateurs sont le Royaume Uni (29%), l’Espagne (25%) et les Pays-Bas (16%)