Private Whisky Society

Troisième partie: The Malt Whisky Yearbook

Parlons maintenant d’un indispensable. Il paraît chaque année tant le monde du whisky bouge vite :
Malt Whisky Yearbook 2016 (13,95 sterling chez MagDig Media Limited). Bon c’est en anglais du Royaume-Uni. (Dispo sur Amazon France). Les premières cinquante pages sont des libres expressions de différents acteurs majeurs du whisky. Cette année cela commence par Kavalan et la tourbe. Kavalan la distillerie Taïwanaise dont le Solist Vinho Barrrique Single Cak Strength a reçu la récompense suprême : meilleur single malt du monde 2015 au world whiskies awards. C’est vrai qu’il est splendide, tellement que je ne peux me résoudre a terminer la bouteille que je possède (achetée avant cette distinction) pour pouvoir les jours de déprime humer son nez. Mais faites ce test. Remplissez votre verre Glencairn (ou mieux un Speigelau whisky snifter ou digestive)favori de ce nectar, rajoutez y un tout petit peu d’eau. Laissez reposer vingt minutes. Il est détruit.), puis on enchaîne sur un article fort intéressant sur Macmyra une distillerie Suédoise, et un autre sur une distillerie de Tasmanie : Lark. Viennent ensuite quelques feuillets de Neil Ridley qui reprend la phrase « I want to believe » de Scott Mulder dans X-Files, qui nous parle du rôle du terroir (le regretté Michel Couvreur estimait son rôle a moins de 10% dans les saveurs du whisky) et incidemment nous livre une parole transgressive que je crains de la traduire de peur de voir les foudres des dieux du whisky s’abattre sur moi : « A water source does not define the character of the whisky at all and I would go on to say it is irrelevant to a greater extent when it comes to its contribution in defining the flavour of the whisky. This marketing gimmick has started somewhere a long time ago and been implanted into consummers minds in a strong way ». Ce qu’il y a bien avec ce genre d’assertion c’est qu’on peut en débattre pendant des heures sans qu’aucune des parties ne change d’avis. Comme dans le sketch de Fernand Raynaud : « Combien de temps le fût du canon met-il pour se refroidir ? » j’avancerai que l’eau joue un certain rôle (et non pas un rôle certain) !

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Puis vient un article de Martine Nouet, qu’on ne présente plus (ancienne rédactrice en chef de whisky magazine, master of malt (moins de 10 femmes sur 150 distingués)) qui nous parle des accords du whisky et de la nourriture. (Bon, je bois toujours au minimum 0,5l d’eau à table, et que de l’eau. Un repas au whisky m’effraie!) Suit un article de Gavin D Smith sur le buveur connecté. Et oui, internet a changé le donne, des informations qui nécessitaient un passage à la bibliothèque nationale de France (ou j’ai eu la joie de travailler durant cinq années) sont accessibles d’un clic, et on y trouve le meilleur et le pire ! Vient l’incontournable article de Charles MacLean sur le rôle du fût. Là je pense que le monde est unanime : capital. Et cette série ce clôt par un article iconoclaste, forcément il est écrit par Ian Buxton auteur du livre précédent. Il moque la tendance du marketing à vanter le caractère artisanal, fait entièrement à la main. Encore une fois j’adhère à sa conclusion : « I’m tired of the world craft. It’s over used. You can’t fool consumers ». Enfin, si on peut les tromper, mais pas tous. Et pas trop longtemps : ils finissent nuit debout place de la République !

Venons en à ce qui fait l’essentiel du livre. Tous les faits, rien que les faits sur TOUTES les distilleries du monde. Tout, tout, tout vous saurez tout. Les grandes, les petites, les ouvertes, les fermées, celles en construction. TOUT vous dis-je. Un must have, une mine d’informations. Ou allez vous entendre parler du temps de fermentation ? Normalement il se situe entre 40 et 96 heures pour que les levures transforment le sucre en alcool. (C6H12O6 + 2 x C2H5OH -> 2 CO2) et surtout de la chaleur ! C’est pour cela qu’il est difficile de faire de la chimie dans sa cuisine : il faut vraiment avoir de quoi refroidir l’incroyable chaleur dégagée par certaines réactions chimiques. C’est pourquoi certains fabricants de « design drugs » sont installés dans des péniches, ou ils ont de l’eau à volonté. Le temps de fermentation semble jouer un rôle déterminant dans les flaveurs du futur whisky. (Bon là je vous renvoie à une revue que je n’ai pas lue, disponible en payant en ligne, some aspects of the impact of brewing science in the scotch malt production, in Journal of the Institute of Brewing, volume 82 May-June 1976). Les levures utilisées pour transformer l’amidon en sucre (qui sont souvent un secret industriel très bien gardé) à l’étape précédent la fermentation ont un rôle là aussi fondamental sur les flaveurs.

Bon tout est structuré de la même manière. En cinq parties : distilleries (ici dans tout ce livre on ne parle que des distilleries de malt) d’Ecosse, nouvelles distilleries, distilleries fermées, distilleries du Japon, le reste du monde (dont l’Irlande et l’Angleterre).

Le propriétaire (avec éventuellement la compagnie mère, celle qui a le vrai pognon)
Région/District. Il y a officiellement 4 régions Highlands, Lowlands, Islay et Campbelttown (qui a le moins de distilleries : trois dont le magnifique Springbank). Mais il est utile et habituel de renseigner parfois un district comme Speyside, Northern Higlands, etc. (Ne dites jamais que Glendronach est un Highland, non c’est un Speyside!).
Date de construction de la distillerie originale. Certaines ont été détruites, souvent par le feu, l’alcool étant très inflammable, et les anciens modes de chauffe dangereux, dans ce cas la date de reconstruction est aussi indiquée.
Le statut de la distillerie : en activité, fermée temporairement, fermée (avec l’équipement resté sur place, dès fois que vous gagnez au loto), démantelée (on a enlevé les alambics et toutes les choses intéressantes, mais il y a toujours le bâtiment, et enfin détruite (ce qui devrait être interdit!).
La présence ou non d’un centre d’accueil pour les visiteurs (en précisant s’il faut prendre un rendez vous ou pas, et les dates d’ouverture)
L’adresse postale de la distillerie.
Son téléphone.
Son site web.
Sa capacité : nombre de litres d’alcool pur produit par an.(Ca varie de plusieurs millions de litres à quelques dizaines de milliers). Indication que je regarde toujours avec attention : on passe de la grande industrie à la chaîne au plus artisanal (Maître Folace : Et … Et … Et … 50 kilos de patates, un sac de sciure de bois, il te sortait 25 litres de 3 étoiles à l’alambic ; un vrai magicien Jo), je déconseille.
Histoire détaillée de la distillerie. Date du début de la production, éventuelles fermetures et réouvertures, changements de propriétaires, date clés de productions de bouteilles mythiques.
Note de dégustation : pour toute les distilleries écossaises en activité la note concerne son flacon le plus vendu et est factuelle : ni note, ni avis. Les notes ont été réalisées par Gavin D Smith pour les distilleries écossaises et par Nicholas Coldicott pour les distilleries japonaise. Rendons hommage à ce deux hommes qui, au péril de leur santé, ont accomplis un travail de bénédictin. S’il est d’usage dans la dégustation de vin de recracher pour pouvoir travailler plus d’une heure par jour, c’est moins fréquent dans le whisky : et la finale alors ! Mais c’est aussi fréquent, surtout si l’on se doute que la finale sera sans intérêt. Quand on sait que les dégustateur sont presque tous d’accord pour dire qu’il faut avoir goûté l’alcool trois fois pour pouvoir écrire une note, qu’il y a les jours « sans nez », ben oui même un dégustateur peut avoir un gros rhume ou plus rien n’a de goût (sauf peut être un piment Carolina Reaper, qui score 2 200 000 unités Scoville, piment le plus fort du monde depuis 2013, soit plus qu’une bombe d’auto défense!).

S’en suit ensuite une (voire deux pages pour les distilletries ayant une gamme importante de flacons ET une gamme intéressante, c’est là peut-être le seul point subjectif) qui est toujours structurée de la manière suivante :

Une (belle) photo du bâtiment de la distillerie
Un commentaire sur l ‘histoire de sa distillerie et sa gamme. C’est là que ce livre est d’une aide précieuse. Certes l’histoire de la distillerie va comporter tous les détails techniques sur son « mash tun » ses « washbacks » son temps de fermentation et ses ppm si le whisky est tourbé. Et ce à quoi le malt est destiné, ne vous faîtes pas d’illusion une grande proportion est destinée à faire des blend !

J’ai eu une discussion ce jour (07/04/2016) avec un commercial lors de l’ouverture de « the whisky shop » au 7 place de la Madeleine à Paris (ce qui m’a permis de rencontrer les propriétaires de l’excellente private whisky society, bon on me dit de ne pas en rajouter) dont un des commerciaux voulait absolument que je goûte un Johnny Walker, étiquette verte, dont ils avaient l’exclusivité jusqu’à fin 2016, en me donnant un argument massue : « au moins on est sûr qu’il a toujours le même goût », et je l’ai vaguement déstabilisé en lui rétorquant « c’est justement ce qui me dérange, ce que j’aime c’est être surpris », mais bon, déstabiliser un commercial c’est tout de même mission impossible, sauf si on baise avec lui (ou elle pour ceux qui aiment, y a pas de honte), mais c’est contraire à toute éthique (et c’est pour ça que c’est bon).

S’en suit une liste fort complète de leur production officielle.

Mais il y a des incidences. A Benriach, que j’avais découvert au fil de mes lectures, et dont j’avais acheté le 15 ans finit en PX que j’avais adoré, je lis : « it was not until 2004, when the Walker family took over, that Benriach family single malt was launched ». Bon Walker family (qui en fait est une structure d’Afrique du Sud, et n’a rien à voir avec Johnny du même nom) a rapidement racheté deux autres distilleries : Glendromach (en 2008) , qui est devenue GlenDromach (si vous voulez vraiment me faire plaisir offrez moi un verre de n’importe quel GlendRomach non tourbé, je peux rester plusieurs heures à essayer de deviner ses subtilités, le cask strength batch #5 est la seule bouteille que j’ai en double de peur d’en manquer) et plus récemment (en 2013) Glenglassaugh. (trop récent pour que le génie de Billy Walker apparaisse, mais cela ne saurait tarder). Cela étant Benriach distillery company représente tout de même 1,4 % du CA de l’industrie du whisky en écosse contre 0,9 % pour J & G Grant (qui a toujours été la propriété de la famille Grant) et qui n’a qu’une seule distillerie : Glenfarclas. Vous voulez étonner un ami : offrez lui un Glenfarclas 105, pour 63 euros le brut de fût (heuh, un des bruts de fut qui a le meilleur rapport qualité prix du marché). Bien plus complexe et intriguant que l’Aberlour a’bunadh qui se trouve dans les 65 euros et est très/trop marqué sherry. Ils tournent tous les deux dans les 60% ABV et si l’Aberlour ne nécessite pas l’ajout d’eau, cet ajout est nécessaire (à mon avis) pour faire ressortir toutes les flaveurs et subtilité du Glenfarclas.

Bon tous ces chiffres proviennent des pages finales, du malt whisky yearbook qui analyse les données provenant de l’IWSR : la plus grande base de données mondiale sur le commerce des vins et spiritueux. On y apprend que Glenfiddich (qui fait aussi de très bon produits) a une production de 14 000 000 de litres d’alcool pur par an, qu’il y a 7 distilleries qui produisent plus de 10 millions de LAP par an, que les excellents Kilchoman (à mon sens le Loch Gorm est un must) et Edradour (dont je recommande le Sauternes finish) produisent respectivement 200 000 LAP et 130 000 LAP (là ils ont un problème avec leur directeur du marketing, rah zut c’est Signatory Vintage le proprio, j’ai rien dit). On apprend aussi que Diageo, Pernod Ricard et William Grant ont respectivement 32,5 % , 18,7 % et 10,2 % des parts de marché du whisky.

Plein d’infos que vous trouverez sans doute ailleurs, mais qu’il vous faudra agréger.

Pour ma part, quand j’hésite entre deux flacons je me pose la question : à qui appartient la distillerie, combien de LAP produit-elle par an, qui est son vrai patron, et depuis combien de temps. Je privilégie, certainement à tort, celles qui ne sont pas propriété d’un grand groupe, celles qui ne vendent pas de dizaines de million de bouteilles, et celles dont la patron fait autorité.

Donc ce bouquin est une mine d’informations, le data mining du whisky comme on dit maintenant. Je termine en disant que de temps en temps il y a (très peu, cinq peut être) pages historiques sur les jalons (milestones) de l’histoire du whisky, par exemple la prohibition en Amérique en1920. Ce qui me permet de placer que le Cutty Sark prohibition édition à 50% ABV, un blend, est plus intéressant car plus étonnant que bien des blend japonais trop ronds et consensuels à mon goût. Et pas cher du tout. Bien mieux que le Johnny Walker étiquette verte de the whisky shop. Bon, c’est un blend pour amateur de sensations fortes, ne surtout pas faire goûter cela à mon fils, qui dit détester le whisky, sauf le red pure malt de Nikka. Bon, il a le droit d’aimer la confiture, hein !

Donc, à mon avis un « must have ». 295 pages en corps de 8. Si vous commencez une presbytie c’est le moment de prendre rendez-vous avec votre ophtalmo.

Première partie: les ouvrages de LMDW

Deuxième partie: 101 whiskies, Ecosse, Irlande, Etats-unis, Japon

Quatrième partie : La Whisky Bible

Cinquième partie: Guide de l’amateur de malt whisky



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